Thèse de Christelle Nabintu Kajoka
publié le , mis à jour le
Utilisation de l’acide performique en traitement des eaux résiduaires urbaines : réactivité avec les micropolluants organiques et stratégies d’intégration au sein de procédés d’oxydation avancée
- Durée de la thèse : 2020 à 2023
- Soutenance de thèse : 20 décembre 2023
- Encadrement : Ghassan Chebbo (directeur de thèse), Julien Le Roux, Stephan Brosillon, Johnny Gasperi
- Action d’OPUR5 : action R2.5
Synthèse de la thèse de Christelle Nabintu Kajoka
Thèse (manuscrit) de Christelle Nabintu Kajoka [1]
Ce travail de thèse a eu pour objectif d’améliorer la compréhension et l’élimination des micropolluants pharmaceutiques (résidus de médicaments) le long des filières de traitement des eaux résiduaires urbaines (ERU).
L’ajout d’une étape de traitement avancé aux stations d’épuration (STEU) conventionnelles est l’une des solutions possibles pour réduire les quantités de MPOs rejetées en rivière. De manière similaire, la désinfection des rejets de STEU est de plus en plus employée pour limiter la dispersion de microorganismes et pathogènes. En particulier, l’acide performique (PFA) est un désinfectant émergent employé pour améliorer la qualité des effluents rejetés en Seine en préparation des Jeux olympiques de 2024 à Paris. Dans cette perspective, cette thèse a évalué le potentiel du PFA pour l’élimination des MPOs présents dans les ERU.
Réactivité du PFA
Un premier objectif a été d’étudier la chimie du PFA et de comprendre ses mécanismes de réaction avec les constituants des eaux usées, en particulier les micropolluants organiques, et d’optimiser les conditions d’utilisation de ce désinfectant.
Diverses expérimentations ont été menées en laboratoire pour étudier la réactivité du PFA avec divers composés organiques et inorganiques, déterminer des constantes d’autodécomposition du PFA et les constantes de réaction des composés organiques avec le PFA. Le rôle du pH sur la spéciation du PFA et sur sa réactivité avec les micropolluants pharmaceutiques a été évalué, et certains mécanismes d’oxydation ont été élucidés. Les abattements de sept micropolluants pharmaceutiques ont ensuite été évalués dans les ERU (en matrice réelle).
Le PFA apparait comme un oxydant peu efficace pour l’élimination des micropolluants organiques, d’autant plus en présence de matrice des eaux usées (phénomènes de compétition et de dégradation supplémentaire du PFA). Sa réactivité est très spécifique, en particulier avec les composés contenant du soufre réduit ou des amines tertiaires (ex. ranitidine, lidocaïne).
Ces résultats ont fait l’objet d’une publication internationale (https://hal.science/hal-04195028v1) [2].
Utilisation du PFA comme procédé d’oxydation avancée
Une solution de PFA contient toujours une quantité non négligeable de peroxyde d’hydrogène (H2O2). Un deuxième objectif a donc été d’évaluer comment valoriser ce résiduel d’H2O2 comme précurseur de radicaux par l’utilisation de différents procédés d’oxydation avancée.
L’impact de la photolyse UV-C sur la décomposition du PFA et son influence sur la dégradation des micropolluants pharmaceutiques a été étudié, afin de déterminer si ce couplage pouvait améliorer la décomposition des composés pharmaceutiques. Les constantes cinétiques de réaction des composés pharmaceutiques avec le couplage UV-C/PFA ont été déterminées en solution pure, puis les abattements dans les ERU ont été comparés aux résultats obtenus avec le PFA seul.
La formation d’espèces radicalaires (radicaux hydroxyles et peroxyles, formés à partir de l’H2O2 et du PFA) a été mise en évidence, et leur contribution à l’oxydation des micropolluants pharmaceutiques a été explorée.
Les cinétiques de dégradation des composés pharmaceutiques par l’UV-C/PFA sont beaucoup plus rapides qu’avec le PFA seul, même si elles sont considérablement réduites en présence de matrice d’effluent d’ERU. L’identification des produits de dégradation des molécules étudiées semble indiquer des mécanismes similaires entre les procédés (ajout d’atomes d’oxygène sur les groupements réactifs), mais une plus forte dégradation dans le cas de l’UV-C/PFA (sous-produits de plus faible poids moléculaire).
Elimination de micropolluants en conditions réelles
Dans une dernière partie, l’oxydation de 32 micropolluants par différents couplages (PFA, UV-C, ozone, H2O2 et les combinaisons de ces différents procédés) a été étudiée à travers une double approche : continue à l’échelle pilote et en batch à l’échelle laboratoire.
Les micropolluants ont pu être classés dans 4 grands groupes de réactivités différentes : 1) les molécules les plus réactives (comprenant deux sous-groupes : a) les molécules globalement bien éliminées par l’ensemble des procédés et b) deux molécules très réactives avec le PFA spécifiquement) ; 2) les molécules de réactivité intermédiaire avec l’ensemble des procédés ; 3) les molécules non réactives avec le PFA mais très réactives avec l’ozone ; et 4) les molécules globalement récalcitrantes vis-à-vis de l’ensemble des procédés étudiés.
Des relations de type Quantitative Structure-Activity Relationship (QSAR) ont été recherchées pour essayer d’expliquer ces différents comportements par les propriétés physico-chimiques des molécules. L’hydrophobicité apparait comme un paramètre important, les molécules les plus réactives présentant les valeurs de logP les plus faibles (donc les plus hydrophiles) et les molécules plus hydrophobes étant les plus récalcitrantes.
La comparaison de tous ces procédés à l’échelle pilote permet de conclure que l’utilisation de l’UV-C/PFA améliore sensiblement les rendements d’élimination par rapport au PFA seul, tandis que peu de synergies apparaissent pour le procédé ozone/UV-C/PFA. La combinaison de différentes opérations unitaires pour augmenter la production de radicaux hydroxyles ne conduit pas systématiquement à une amélioration de l’efficacité d’élimination des micropolluants. Le procédé ozone/PFA apparait bénéfique par rapport au PFA seul, mais uniquement aux doses faibles d’ozone (0,29 gO3/gCOD).
L’UV-C/PFA apparait plus efficace que l’ozone/PFA et se démarque donc comme le procédé le plus intéressant. L’ozone/PFA permet toutefois d’obtenir de meilleurs rendements que l’ozone seul ou l’ozone/H2O2.
[1] Nabintu Kajoka C. Utilisation de l’acide performique en traitement des eaux résiduaires urbaines : réactivité avec les micropolluants organiques et stratégies d’intégration au sein de procédés d’oxydation avancée. 2023. Available at: https://hal.science/tel-04382692. Consulté mars 27, 2024.
[2] Nabintu Kajoka C, Gasperi J, Brosillon S, et al. Reactivity of Performic Acid with Organic and Inorganic Compounds: From Oxidation Kinetics to Reaction Pathways. ACS ES&T Water. 2023;3(9):3121-3131. Available at: https://doi.org/10.1021/acsestwater.3c00279. Consulté septembre 10, 2023.