Participation de Johnny Gasperi à un article dans Le Monde : « Taux record de microplastique dans l’océan Arctique »
Article de Sylvie Burnouf du 26 avril 2018 dans la rubrique « Pollution » du Monde
Jusqu’à 12 000 particules de microplastique par litre : le chiffre est si colossal qu’on a peine à y croire, mais c’est bien ce qu’ont retrouvé des chercheurs de l’Institut Alfred-Wegener pour la recherche polaire et marine (AWI, Allemagne) en faisant fondre des échantillons de banquise prélevés dans la zone arctique.
A bord du Polarstern, leur navire brise-glace de recherche, ils ont mené, entre 2014 et 2015, trois expéditions, collectant des carottes de glace le long de la dérive transpolaire (un courant océanique majeur de l’Arctique) et du détroit de Fram (à la jonction entre l’Arctique central et l’Atlantique Nord), afin d’en caractériser la teneur et la composition en microplastiques.
Septième continent
Ces particules ont été transportées là par les courants marins, expliquent les chercheurs. Et, « avec une production mondiale en plastique avoisinant les 300 millions de tonnes par an, il n’est pas étonnant qu’il n’y ait plus de zone épargnée », souligne Johnny Gasperi, maître de conférences au Laboratoire eau, environnement et systèmes urbains (LEESU, université Paris-Est-Créteil).
La banquise les accumule alors, que ce soit au début de sa formation ou quand elle s’étoffe à mesure qu’elle dérive au gré des courants arctiques. De fait, selon la zone de prélèvement, la composition en microplastiques variait, et leur provenance aussi. Grâce à des données satellites couplées à des modèles thermodynamiques de formation de la banquise, les biologistes ont pu retracer le trajet de leurs échantillons et ainsi identifier les sources possibles de pollution.
Par exemple, les taux élevés de polyéthylène observés dans certaines aires de l’Arctique pourraient, selon eux, provenir du septième continent, cette masse gigantesque de plastique qui flotte dans l’océan Pacifique. Quant aux résidus de peinture et de Nylon, il semblerait qu’ils résultent d’une pollution locale liée à l’activité humaine – notamment de la décomposition de la coque peinte des bateaux et des filets de pêche –, suggérant que le développement de ces activités dans l’Arctique « laisse des traces », selon les termes d’Ilka Peeken, première auteure de l’étude.