Article avec Brigitte Vinçon-Leite dans Libération du 30 juillet 2024 : «Épreuve de triathlon reportée aux JO 2024 : l’investissement de 1,4 milliard d’euros pour nettoyer la Seine n’a-t-il servi à rien ?»
Article d’Anaïs Condomines
Objectif des travaux réalisés pour assainir les eaux fluviales, l’épreuve de triathlon des JO à Paris a été reprogrammée pour «raisons sanitaires». Poussant certains à s’interroger sur l’impact effectif du «plan baignade».
L’épreuve masculine de triathlon n’a donc pas eu lieu mardi 30 juillet. Dans un communiqué, Paris 2024 et World Triathlon ont annoncé que «les analyses effectuées dans la Seine aujourd’hui ont révélé des niveaux de qualité de l’eau qui n’offraient pas les garanties suffisantes pour permettre la tenue de l’évènement». La course a été reportée au mercredi 31 juillet à 10 h 45. Son pendant féminin devrait avoir lieu le même jour, à 8 heures, «sous réserve que les prochains tests correspondent aux standards de seuil de baignabilité». En cause : les pluies des 26 et 27 juillet qui ont «altéré la qualité de l’eau», notamment en faisant déborder des eaux non traitées dans le fleuve.
Un coup dur pour les institutions en charge de l’amélioration de la qualité de l’eau de la Seine, au premier rang desquelles la mairie de Paris et la région Ile-de-France, qui ont diligenté pendant plusieurs années des travaux importants, avec un budget de 1,4 milliard d’euros. Beaucoup, aujourd’hui, dénoncent une somme colossale investie pour rien, qui aurait rendu la «Seine faussement baignable», avec une qualité soumise aux aléas météorologiques. Oubliant un peu vite les effets à long terme de cet investissement (réalisé pendant huit ans).
Tirer la chasse d’eau dans la Seine
Dans le cadre de ce plan – dont Antoine Guillou tient à rappeler que le budget de 1,4 milliard d’euros en huit ans est à mettre en perspective avec le budget annuel du SIAAP pour l’assainissement public (1,3 milliard d’euros) – les pouvoirs publics ont largement mis l’accent sur «l’héritage», une fois passés les JO. Le «plan baignade» devrait, selon plusieurs experts, être profitable pour la biodiversité. Pour Brigitte Vinçon-Leite, «les JO ont été un levier pour avancer sur ces travaux d’assainissement qui, de toute façon, devaient être faits pour préserver les milieux aquatiques». De précédentes phases de travaux d’assainissements menées depuis plusieurs dizaines d’années semblent déjà avoir porté leurs fruits, poussant la chercheuse à se montrer optimiste.
En avril 2024, Vincent Rocher, du SIAAP, déclarait à Science et Vie : «Améliorer la qualité des eaux fluviales n’a pas pour seul but d’accueillir les JO et, surtout, il n’y a pas que les humains qui en profiteraient. Les efforts réalisés pendant plusieurs décennies pour transformer les systèmes d’assainissement ont permis une diminution de la présence d’azote et de phosphore […] et des germes bactériens […]. Or cette réduction s’est accompagnée d’un retour de la vie piscicole : alors qu’on ne recensait plus que trois espèces de poissons dans la Seine, dans les années 1970, nous en dénombrons désormais près de 36 !»
Brigitte Vinçon-Leite ajoute que «l’amélioration du fleuve va être bénéfique aux habitants, plusieurs sites seront ouverts à la baignade à Paris et le long de la Marne.» Antoine Guillou promet ainsi trois points de baignade dans la Seine en 2025. Une trentaine d’autres sont à l’étude en région parisienne. A l’heure actuelle, certains doutent d’une telle échéance. Pour l’adjoint à la mairie de Paris, l’essentiel est ailleurs : «Les investissements consentis l’ont été au-delà de la baignade. Il est anormal que ces travaux n’aient pas été faits avant, car en certains endroits, cela revenait plus ou moins à tirer la chasse d’eau directement dans la Seine, et ce n’était pas acceptable d’avoir cet impact négatif sur l’environnement sans se poser de question. Les JO auront permis d’avancer car ils ont incité beaucoup d’acteurs publics à se coordonner sur ce sujet.»