Sous la direction de : Konstantinos Chatzis (LATTS), Bruno Tassin et Fabien Esculier (LEESU)
Calendrier : 2020 – 2023
Axe : Santé.
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Résumé :
Le développement de systèmes d’assainissement permettant une valorisation avancée des excrétions humaines n’est envisageable que s’ils sont considérés comme sûrs vis-à-vis du risque infectieux entérique (RIE). Cette thèse vise à contribuer à cette question de santé publique, en analysant la maîtrise du RIE dans la gestion des matières fécales par le tout-à-l’égout et par les techniques de séparation à la source.
De nos jours, le tout-à-l’égout (TAE), système dominant en France et dans les pays industrialisés, est considéré comme une filière « sûre » si les eaux usées sont acheminées vers une station de traitement. Cependant, celles-ci ne sont généralement pas astreintes à des objectifs sanitaires sur les eaux rejetées. En évacuant le risque fécal des zones urbaines densément peuplées, le TAE limite la contamination intra-urbaine, mais il déplace ce risque vers l’environnement. Cette gestion induit un fort risque de santé publique pour les usagers du milieu récepteur situés en aval du rejet. Dans de nombreux pays industrialisés comme la France, d’autres barrières sont alors présentes pour le limiter (traitement de l’eau de consommation, restrictions de baignade, interdiction de vente de coquillages, système de santé performant, etc.).
Nous montrons que, depuis son développement à partir de la fin du XIXe siècle, l’efficacité sanitaire du TAE dans la gestion des matières fécales manque de preuves précises de son efficacité, notamment en raison de la concomitance avec d’autres facteurs, comme l’alimentation en eau et d’un contexte général d’amélioration de la santé et de transition épidémiologique. Il a même pu avoir des effets négatifs à l’échelle du territoire dans les contextes où le traitement de l’eau potable a été introduit tardivement. L’analyse des éditions successives du manuel d’assainissement dit « Metcalf & Eddy », publié de façon actualisée de 1914 à 2013, montre que la gestion du risque sanitaire induit par le rejet d’eaux usées contaminées à l’environnement est externalisée vers les secteurs impactés (eau de boisson, conchyliculture, baignade…).
La maîtrise du RIE ne repose donc pas sur l’établissement d’une barrière entre les déjections humaines et l’environnement (ce que l’on pourrait appeler l’assainissement), mais sur le maintien d’une barrière entre un environnement contaminé et les différents usages de l’eau, en particulier l’eau potable.
L’analyse qualitative du risque biologique de systèmes d’assainissement par séparation à la source déployés en France et en Suisse nous pousse à croire que ces systèmes d’assainissement pourraient permettre de limiter la transmission des maladies infectieuses entériques si l’ensemble de la chaîne de gestion est géré de manière adéquate. Ces systèmes d’assainissement, devenus particulièrement pertinents dans un monde en changement global et en risque de désescalade énergétique, pourraient alors être une solution de gestion des matières fécales autant, voire davantage, « sûre » que le TAE. Une analyse plus complète des voies actuelles de transmission et des risques futurs posés par les maladies infectieuses entériques, ainsi que des conséquences sanitaires des différents systèmes d’assainissement, non seulement à l’échelle urbaine, mais aussi à l’échelle plus large de toutes les communautés impactées reste à être menée.
Mots-clés : Matières fécales ; tout-à-l’égout ; séparation à la source ; analyse de risque ; maladies infectieuses entériques ; transition épidémiologique.
Summary : The source separation of urine and faeces can limit pollution of various compartments of the environment (air, soil, water) and enhance the resources they contain (food security, energy). Urine recovery channels have already been studied, particularly in the OCAPI research program, but the agronomic and energy interests of faeces have been the subject of little research. Faeces, unlike urine, can provide soil amendment, recycling nutrients in organic form. However, the valuation of feces is subject in the western world to a socio-technical and cultural lock even stronger than urine. In addition to the historical dependence on the sewer path, one of the obstacles to the use of faeces is the risk of pathogens transmission. The aim of this thesis is to study the biological and environmental health impacts of the different modes of management of faeces, by questioning the emergence and then the diffusion of the sewerage network with regard to other modes of management.