Lire l’infocapi 7 : Juillet 2020
Edito. Le coronavirus s’est immiscé dans nos vies avec des conséquences extrêmement diverses et encore largement incertaines pour la suite. Nous espérons tout d’abord que cet Infocapi vous trouve en bonne santé, vous et vos proches, et que vous avez pu traverser les derniers mois avec sérénité.
Les enjeux de santé publique et de cohabitation avec les autres êtres vivants viennent d’être mis sur le devant de la scène. Leur acuité est très forte pour les systèmes alimentation/excrétion : toute la production et la transformation alimentaire reposent sur une collaboration avec d’autres organismes (les plantes cultivées, les animaux d’élevage, les bactéries du sol, les levures du pain, etc.). Notre processus digestif repose fondamentalement sur les milliers de milliards de micro-organismes que nous abritons dans nos intestins et que nous retrouvons dans nos matières fécales. Comment pouvons-nous construire des systèmes alimentation/excrétion qui soient salubres, c’est-à-dire qui permettent de préserver la santé humaine, et qui soient écologiquement soutenables ?
Les systèmes alimentation/excrétion actuels s’appuient sur de nombreuses pratiques de lutte contre le vivant, de purification par l’eau et de destruction par le feu, avec une visée souvent sanitaire : biocides, pesticides, antibiotiques, chasse d’eau, incinération, etc. Or nous constatons aujourd’hui que les conséquences environnementales négatives de ces pratiques peuvent aussi influer négativement sur notre santé. Prenons l’exemple de la toilette à chasse d’eau : évacuer les matières fécales des foyers par l’eau est usuellement considéré comme une pratique salubre. On enseigne dès leur plus jeune âge aux enfants que l’eau est un bien très précieux et, en même temps, que la propreté consiste à faire caca dans l’eau. Ne s’agit-il pas là d’un cas exemplaire de dissonance cognitive ?
Les matières fécales peuvent contenir des pathogènes : de nombreuses maladies se transmettent par la voie féco-orale telles le choléra, l’hépatite, la typhoïde ou plus communément la gastro-entérite (diarrhées). La communauté sanitaire française était ainsi formellement opposée au tout-à-l’égout au xixe siècle au motif qu’il conviendrait de confiner des pathogènes et d’appliquer des gestes barrières plutôt que de les faire circuler activement et in fine de les transférer vers le milieu naturel. Les rivières françaises sont ainsi largement contaminées par les pathogènes fécaux humains depuis des décennies, grevant les multiples usages de l’eau (traitements pour produire de l’eau potable, transmission de gastro-entérite par les coquillages, baignades interdites, etc.). Santé Publique France relève plus de 20 millions de cas de gastro-entérites aiguës virales en France chaque année. Malgré tous les efforts investis dans le traitement de l’eau potable et des eaux usées, notre gestion des matières fécales reste peu salubre : c’est a priori via les mains, qu’en moyenne un Français sur trois chaque année est infecté par des pathogènes fécaux au point d’en être malade !
Les impératifs qui s’imposent aux systèmes alimentation/excrétion sont multiples et potentiellement contradictoires : recycler les nutriments humains, préserver les ressources en eau, assurer une gestion salubre des excréments, limiter les consommations d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre, proposer un cadre social juste, etc. Comme nous l’avait dit Ralph Otterpohl lors d’un voyage d’étude en Allemagne en 2017 : « Je ne sais pas si l’assainissement conventionnel pourra devenir circulaire et à faible empreinte environnementale. Je ne sais pas non plus si l’assainissement par séparation à la source pourra résoudre tous les problèmes. Ce qui est sûr, c’est qu’il faut s’investir dans les deux domaines car en l’état actuel des potentiels de chaque système, il serait absurde de ne pas chercher à les faire progresser tous les deux ».
Alors que la France est totalement dépendante d’importations de ressources fossiles situées à l’étranger pour sa production agricole et que le taux de recyclage des nutriments azotés humains est inférieur à 10%, elle doit progresser simultanément sur la circularité et la salubrité de ses systèmes alimentation/excrétion. Cet Infocapi et les nombreuses publications de ce semestre illustrent le travail mené dans le programme OCAPI et chez nos partenaires pour proposer des voies d’évolution des systèmes alimentation/excrétion adaptées à chaque territoire et visant la circularité, la salubrité, la convivialité, et la cohabitation consciente avec l’ensemble du monde vivant.